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Avantages et inconvénients de la morale dans la République de Platon

Posté par Termita, mise à jour le 22/11/2023 à 01:29:50

Très tôt dans la République de Platon, Thrasymaque affirme que « dans toutes les situations, une personne morale est dans une situation pire qu'une personne immorale ». (343d) De plus, une personne morale est un simplet, tandis qu'une personne immorale exerce un bon jugement. (348c-d) Socrate est confronté à un défi qui prépare le terrain pour une grande partie du reste de la discussion. En réponse à cet argument, Socrate redéfinit longuement la moralité de manière à éluder cette affirmation. Cependant, les arguments de Socrate sont fondamentalement erronés. Malgré ses efforts, il n’est jamais en mesure de réfuter de manière convaincante l’affirmation selon laquelle le malfaiteur accompli mène une vie meilleure que la personne morale.

Céphale décrit la moralité comme consistant à dire la vérité et à toujours rendre ce qu'on a emprunté. (331b) Bien qu’il s’agisse d’une définition étroite, c’est un bon exemple de définition de la moralité basée sur l’acte. Celui dans lequel vos actions quotidiennes déterminent si vous êtes ou non une personne morale. Selon cette définition, Socrate était incapable de satisfaire ses adversaires rhétoriques. Conscient de ses défauts, Socrate tente d’éluder le problème auquel il est confronté. Il redéfinit la façon dont nous pensons la moralité en introduisant le concept d'une définition de la moralité basée sur les agents. Mais cet argument est également erroné.

Bien que Platon ait épargné à Socrate une défaite embarrassante dans la délibération sur les avantages et les inconvénients de la moralité dans l’élaboration d’un acte, il était évident, même pour lui, que les arguments étaient insuffisants. L'explication de Gloucon sur la nature et les origines de la moralité est un argument convaincant auquel Socrate ne peut répondre. Essentiellement, Gloucon soutient que le contrat social sur lequel repose l’idée de moralité a évolué à partir du fait que faire le mal est bon pour l’individu tandis que subir le tort est mauvais. Un accord a été trouvé : pour la plupart des gens, le mal d’être lésé l’emporte sur le bien d’avoir fait le mal. Cela a conduit à un accord général selon lequel les torts ne seraient pas tolérés dans la société. (Conférence du 11 septembre) Le malfaiteur qui rompt ce contrat est donc qualifié d'immoral, mais cet individu a obtenu les avantages de commettre une injustice et a évité les revers d'être victime. Il mène donc une vie meilleure que l’homme moral, qui ne bénéficie pas des récompenses potentielles de la malhonnêteté.

Socrate ne connaît qu'un seul succès substantiel dans son argumentation avec Thrasymaque. Il prouve qu’une communauté d’individus immoraux finira par échouer. Il utilise l'exemple d'une bande de voleurs pour illustrer ce point : si chacun est un acteur immoral, ils se retourneront les uns contre les autres. (351c-d) C'est un point valable dans la condamnation d'un mode de vie injuste, mais cela ne contredit pas la question plus large qui se pose. Le malfaiteur accompli n’est qu’un individu dans une communauté composée de personnes honnêtes.

Socrate se rend compte qu'il doit créer une manière plus innovante de penser la moralité s'il veut réfuter l'argument de Thrasymaque. Si vivre une vie enrichissante est pensé strictement en termes matériels, alors la moralité ne peut être valorisée que pour ce qu’elle peut vous rapporter. Bien qu'un pasteur considéré comme moral puisse bénéficier de certains avantages tangibles, comme une nomination à un poste prestigieux, Socrate soutient que l'utilisation d'une image d'intégrité à cette fin est intrinsèquement déshonorante. Bien que cette personne pratique la moralité quotidienne telle que décrite par Céphale, elle n’est pas vraiment morale. La moralité, selon Socrate, devrait être quelque chose qui est accueilli favorablement pour elle-même et pour ses conséquences souhaitables. Gloucon et Thrasymachus ne sont pas d’accord et insistent sur le fait que c’est quelque chose de indésirable en soi, mais qui a des répercussions souhaitables. (Conférence du 11 septembre)

À la poursuite de sa nouvelle définition, Socrate crée une analogie entre la moralité dans la communauté et chez l'individu. Socrate soutient que la communauté idéale, et donc la communauté morale, est régie par la spécialisation. Chaque personne doit accomplir la tâche pour laquelle elle est la plus naturellement adaptée, c'est la plus efficace. Il divise le peuple en trois classes sociales ; les Gardiens (dirigeants), les Auxiliaires (soldats) et les Producteurs (roturiers). (Conférence du 13 septembre) Socrate décrit longuement sa communauté idéale, notamment l'éducation et la vie des Gardiens. Il s’agit en soi d’une partie importante du livre, mais la traduction de la communauté morale à l’individu est imparfaite et inapplicable.

Socrate affirme que si la communauté morale est une communauté dans laquelle chaque classe accomplit son devoir, alors l'individu moral est une communauté dans laquelle chaque partie de son âme accomplit son devoir. Il divise la psyché en trois parties ; la raison, la passion et le désir. Socrate insiste sur le fait que l’homme moral est gouverné principalement par la raison tandis que les deux autres aspects sont relégués à des positions subordonnées. Il prétend qu'un homme sage laisse la raison gouverner son âme, que la passion d'un homme courageux est correctement réglée et orientée, et qu'un homme discipliné remet son désir à la raison. (Conférence du 18 septembre) Socrate a donc changé la façon dont les personnes morales sont considérées, passant d'une définition basée sur l'acte à une définition basée sur l'agent. Ce n’est pas ce que vous faites qui vous rend moral, mais plutôt qui vous êtes et pourquoi vous le faites.

Socrate part du principe que si vous êtes une personne morale au sens agent du terme, vous agirez par conséquent consciencieusement. Devenir ainsi une personne morale au sens acte du terme. Cet argument n’est jamais développé et ne doit pas être pris pour acquis. Il n'y a aucune preuve convaincante dans l'argumentation de Socrate suggérant que le bon ordre de l'âme d'une personne conduit à une action morale dans la vie quotidienne. En fait, l’argument de Thrasymaque selon lequel le pasteur immoral exerce un bon jugement semble bien s’inscrire dans le contexte d’une personne gouvernée par la raison. Le malfaiteur accompli peut même être régi par une analyse coûts-avantages plus stricte que le moraliste.

De plus, l’idée de rôles inégaux joués par les parties de l’âme est contradictoire avec l’argument de Socrate sur la spécialisation sur lequel était fondée toute sa communauté. Il est important de réaliser que les trois parties de l'âme correspondent directement aux trois classes sociales de la communauté de Socrate ; Les Gardiens comme raison, les Auxiliaires comme passion et les Producteurs comme désir. (Conférence du 16 septembre) En utilisant sa propre analogie, il est vrai que la classe des producteurs s'en remet à la classe des gardiens. Néanmoins, la nécessité de la classe de producteurs pour le succès de la communauté ne peut être contestée. Désormais, l’importance du désir ne doit pas être diminuée.

En conclusion, Socrate ne réfute jamais l’affirmation de Thrasymaque selon laquelle le malfaiteur accompli peut mener une vie meilleure qu’une personne morale. Il n’explique même jamais pourquoi la moralité quotidienne est bénéfique à l’individu. Je crois que Platon s’est trop appuyé sur les analogies entre les individus et la communauté pour formuler son argument. Même si les individus immoraux jouent un rôle clairement destructeur dans la société, leurs conséquences se répercutent sur les autres membres du groupe. Il est évident que c’est pour cette raison que l’immoralité est si notoirement méprisée, même si le malfaiteur accompli est toujours dans une position d’avantage net.



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