Catégorie > Sciences économiques et fortune

Exposé sur le lévirat

Posté par Rehma, mise à jour le 14/04/2023 à 23:26:24

INTRODUCTION
Sous l'Antiquité, le lévirat était connu notamment des Égyptiens, des
Babyloniens, des Phéniciens, des Hébreux mais aussi d'une tribu nomade vivant dans les steppes entre le lac Baïkal et la Chine du Nord : les Xiongnu. Cette pratique fait sa première apparition dans la bible, le verset de la Genèse 38.8.
Si en Afrique, la mort est plus importante que la maladie, une défaite qui aurait dû être évitée, la perte du mari pour la femme est un double calvaire qui pourrait finir par l’emporter également.
Qu’est ce qui expliquerait alors cet état de fait ?
Les traditions africaines considèrent le mariage comme l’union de deux familles contrairement à la définition légale du mariage qui est celui de l’union de deux personnes. Ainsi, la femme mariée appartient à sa belle-famille en raison de la participation de cette belle-famille à sa dot. Laquelle dot s’apparente dans plusieurs cas extrêmes à un achat-vente de la femme.
En société patrilinéaire, le fils et le frère du défunt sont les principaux héritiers.
La veuve est aussi exclue de l’héritage tout en faisant partie de cet héritage.
Après la période de veuvage où cette dernière doit faire face à toute sorte de sévices corporels et moraux, la belle-famille à qui elle appartient désormais se voit dans l’obligation de la réinsérer socialement afin qu’elle ne reste pas malheureuse. Partant de ce principe, elle se doit d’accepter le frère de son défunt mari imposé par cette belle-famille.

On parle alors de lévirat.
C’est donc cette pratique coutumière exercée sur la veuve et qui consiste à la remarier au frère du défunt ; l’héritier désigné par la famille. Le lévirat est une autre forme de mariage forcé. Cette pratique, bien qu’en forte régression dans les villes, a toujours la peau dure en milieu rural en Côte d’Ivoire.

Définition
Le terme lévirat vient du latin "levir", qui signifie « frère du mari ».
Cette pratique consiste, pour le frère d'un défunt, à épouser la veuve du défunt afin d'assurer, par sa propre semence, une descendance à son frère.

I. LA VEUVE ESCLAVE DE LA BELLE-FAMILLE
A la mort du défunt mari, la succession de ce dernier s’ouvre par le conseil de famille. En Côte-d’Ivoire particulièrement chez les Abbeys, peuple Akan vivant dans le sud, l’héritier désigné par la belle-famille hérite des biens (terre, bijoux de grande valeur : or, diamant) et des charges ce dernier (femmes et enfants).
On aboutit ainsi à la chosification de la veuve et même des enfants en milieu rural. Cette chosification s’explique de trois manières. D’abord, la femme est la propriété de la famille de son époux par l’effet de la dot. Ensuite, la compensation matrimoniale qui symbolise la dot reçue par les parents de la femme n’est pas sortie des seules mains de son époux, toute la belle-famille y a contribué. Il est donc normal que les héritiers puissent bénéficier de la femme, libérée de son lien matrimonial. Enfin, lors du décès, les hommes de la famille du défunt héritent de la femme. Estimant alors avoir le droit de décider de ce qui est convenable pour elle, ils s’érigent en maitre de sa vie.
1. Quelle est donc la situation de ces veuves qui finissent par céder sous la contrainte en se remariant au beau-frère ?
Quand cette dernière accepte de force de se remarier avec l’héritier de la famille, elle subit une véritable atteinte à son intégrité physique et morale parce qu’obligée d’avoir des rapports sexuels avec son nouveau mari, elle finit par perdre au jour le jour sa personnalité et mourir dans l’âme. Aussi est-elle exposée aux transmissions des maladies sexuellement transmissibles comme le VIH/SIDA. Le beau-frère qu’elle épouse a déjà une ou des femmes.
Elle tombe donc en situation de polygamie qui favorise la transmission des MST et du VIH/SIDA.
Selon la coutume, la maladie qui a tué le mari est sans importance. Ce qui importe, en revanche, c’est que l’épouse soit ‘’nettoyée’’ [par le remariage] et qu’elle puisse ainsi s’intégrer facilement au reste de la communauté.

Même les veuves qui sont dans un état de santé normal et qui refusent le lévirat, doivent recourir à la prostitution pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.
a. Quelle est par contre le sort de celles qui parviennent à
refuser de se remarier au beau-frère imposé par la bellefamille ?
Un tel mariage enfreint gravement au principe de « libre consentement » du mariage. Malgré le poids des coutumes et des traditions, certaines veuves meurtries parviennent souvent à refuser de se remarier avec le beau-frère imposé par la belle-famille. Elles sont alors battues par leur belle-famille.
Généralement, elles ne reçoivent pas de soutien de leurs familles à elles qui bien des fois les rejettent également. Obligées de rembourser la dot aux belles familles, elles se retrouvent rejetées par leur propre famille et répudiées avec leurs enfants par les belles-familles.

II. QUE DIT LA LEGISLATION IVOIRIENNE SUR CETTE PRATIQUE ?
Bien que la Côte d’Ivoire ait ratifié le 18 décembre 1995 au plan international, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) adoptée le 18 décembre 1979 à New-York et au plan régional en mars 2012, le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique adopté le 11 juillet 2003 à Maputo dit « Protocole de Maputo », il demeure un vide juridique au niveau de la législation nationale sur la répression du lévirat.
En effet, le Code Pénal Ivoirien ne punit que certaines formes de violences à l’égard des femmes comme les mutilations génitales féminines à travers la loi n°98-757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines formes de violences, à l’égard des femmes. Pourtant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard de la femme et le Protocole de Maputo, enjoignent aux États Parties de prendre toutes les mesures législatives, institutionnelles et autres afin d’éradiquer toutes les pratiques portant atteintes à l’intégrité et à la dignité de la femme.

III. QUE CONVIENT-IL FAIRE POUR ERADIQUER CETTE PRATIQUE EN
MILIEU RURAL ?
Pour combattre la pratique, les associations de défense des droits des femmes organisent des campagnes de sensibilisation. Soutenues par des campagnes médiatiques, ces séances de sensibilisation sont intensifiées à l’endroit des populations analphabètes.
En plus de mesures répressives qui doivent être prises par l’effet d’une loi prenant en compte toutes les formes de violences que subissent les femmes, il faut impérativement que l’Etat Ivoirien collabore avec les Organisations de la Société Civile (OSC) en l’occurrence les Organisations Non Gouvernementales (ONG).
Cette collaboration doit être perceptible par des appuis techniques et financiers à leur accorder. En effet, plus proches des populations et jouant le rôle de relais entre l’État et les citoyens, les ONG parviennent efficacement à faire évoluer les mentalités en menant des activités de sensibilisation accrue en milieu rural.
Dans une société où les femmes dans leur généralité sont reléguées au second plan, les femmes rurales le sont encore plus et peinent sous le poids des stéréotypes et des coutumes qui portent fortement atteinte à leur intégrité et dignité. Ces femmes sont également des êtres humains au même titre que les hommes. Rien ne justifierait alors qu’elles soient si exposées à de telles pratiques qui les déshonorent car une femme qui pleure, c’est toute l’Humanité qui est enrhumée.

CONCLUSION
Souvent décrié, le lévirat reste pratiqué et débouche dans la plupart des cas sur des mariages forcés ou consentis.
En effet, le lévirat peut-il vraiment être considéré comme une atteinte aux droits de l’Homme alors qu’il est une pratique sociale relativement acceptée par les femmes qui le vivent ? Peut-on parler de violation des droits de la personne humaine lorsqu’il n’y a ni plainte ni soulèvement ni aucune manifestation collective contre une pratique ancestrale fortement ancrée dans les mœurs sociales ? Toutes ces questions mériteraient d’être analysées.



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