Catégorie > Lettre et philosophie

Analyse de l'opinion d'Hannah Arendt sur la dynamique collective

Posté par Termita, mise à jour le 03/03/2024 à 23:19:11

Sur la violence d'Hannah Arendt est une réflexion intéressante sur l'histoire et la politique. Dans cet essai bref mais substantiel, Hanna Arendt analyse les faits historiques des années soixante en les incluant, en les relatant et en les comparant dans le contexte des événements les plus importants du XXe siècle. L'essai est une radiographie lucide de la violence, définie comme le ratio utilisé par l'individu ou le collectif pour démasquer l'hypocrisie politique plutôt que pour lutter contre l'injustice structurelle et l'ordre social (qui semblent être des événements inéluctables). Les intentions d'Arendt de démanteler les déficiences de l'intellectualisme contemporain et les menaces de certains mouvements sociaux sont au cœur de ce livre. Elle opère une sorte de nettoyage sémantique clarifiant les différences entre les notions de violence, d'autorité, de force et de pouvoir. Cette précision lui permet de proposer sa propre théorie sur la violence, ce qui est très important, surtout lorsqu'il s'agit de proposer une explication intéressante sur le pouvoir destructeur des dynamiques collectives. C’est précisément sur les questions liées aux dynamiques collectives et à la culpabilité collective que je souhaite me concentrer dans ce texte.

Hannah Arendt traite des sujets les plus importants de l'agenda politique international : la violence, les causes de la violence, la relation entre violence, pouvoir, autorité, la rationalité de la violence, la différence entre violence collective et individuelle. La violence est le protagoniste incontesté de l'histoire du XXe siècle, mais dans ce livre, les remarques d'Arendt se concentrent sur la violence qui a lieu dans les espaces collectifs, comme les universités. Elle considère que – pour analyser la violence en tant que phénomène social – il est nécessaire de lever toute ambiguïté sémantique, sociologique ou idéologique. Elle est particulièrement critique à l'égard des ambiguïtés idéologiques, en commençant par la réfutation du marxisme de la Nouvelle Gauche en démontrant ses possibles incohérences à la lumière de la théorie du matérialisme historique de Marx.

Marx était conscient du rôle de la violence dans l’histoire, mais ce rôle était pour lui secondaire ; Ce n'est pas la violence, mais les contradictions inhérentes à l'ancienne société qui ont provoqué sa fin. L’émergence d’une nouvelle société a été précédée, mais non provoquée, par des explosions de violence, qu’il a comparées aux douleurs du travail qui précèdent, mais bien sûr ne provoquent pas, l’événement de la naissance organique.

Sartre, Sorel et Fanon, les partisans de la violence comme instrument de rédemption des opprimés, ne se rendent pas compte (selon Arendt) que leurs théories servent à étayer « les pires illusions de Marx ». Dans le cas spécifique de Sartre, on lui reproche sa prétention idéologique et son incitation à la lutte et à la rébellion communes des pays du tiers monde. Selon Arendt, le tiers monde n’existe pas, mais c’est une idéologie :

Penser, enfin, qu'il existe une « unité du tiers-monde », à laquelle on pourrait adresser le nouveau slogan à l'ère de la décolonisation : « Les autochtones de tous les pays sous-développés, unissez-vous ! (Sartre) revient à répéter les pires illusions de Marx à une échelle considérablement plus grande et avec beaucoup moins de justifications. Le tiers monde n'est pas une réalité mais une idéologie.

La définition d'Arendt du tiers-monde en tant qu'idéologie attire mon attention en raison de l'opinion que cette philosophe et théoricienne politique a concernant les idéologies, comme indiqué dans son livre intitulé Les origines du totalitarisme :

« La prudence dans le traitement des opinions généralement acceptées qui prétendent expliquer des tendances entières de l'histoire est particulièrement importante pour l'historien des temps modernes, car le siècle dernier a produit une abondance d'idéologies qui prétendent être les clés de l'histoire mais qui ne sont en réalité rien d'autre que des efforts désespérés pour y échapper. responsabilité » ― Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme.

Il me semble que Hannah Arendt considère que, indépendamment de ses origines particulières, l'idéologie tiers-mondiste est aussi dangereuse que les autres systèmes d'idées qui ont marqué le XXe siècle. Je n’oserais pas affirmer qu’Arendt pense que le tiers-mondisme, le nazisme, le maoïsme ou le stalinisme sont faits de la même étoffe, mais elle semble convaincue que ses idéologues prétendent, tout comme dans les autres convictions politiques, manipuler les masses. Il n’y a pas de bonnes idéologies au XXe siècle, puisque toutes prétendent imposer une vision du monde. Elles entraînent des conséquences fatales, notamment la terreur et la violence. Les idéologies préparent leurs exécuteurs testamentaires et leurs victimes à une infâme évasion de la réalité.

Son point de vue sur les émeutes dans les universités américaines et le rôle que les libéraux blancs et le mouvement Black Power y ont joué est également polémique. Son avis sur les demandes de la communauté noire et la réponse blanche est très virulent. Elle considère qu'affirmer que « tous les hommes blancs sont coupables » n'est pas seulement une absurdité dangereuse, c'est aussi la meilleure excuse pour ne rien faire. Il me semble que la conclusion d'Arendt sur ces émeutes et la responsabilité collective américaine est une sorte de paraphrase de ce qu'elle dit dans son livre Eichmann à Jérusalem : un rapport sur la banalité du mal : « Le plus grand mal perpétré est le mal commis par personne. ». Selon Arendt, le concept de culpabilité collective est insensé et constitue un moyen efficace de dissimuler les individus coupables derrière lesquels se cacher. La réticence à porter des jugements fondés sur une responsabilité morale individuelle signifie que les individus refusent « d’être des personnes ». Ils refusent d’interagir avec les autres et d’assumer leur rôle dans le monde. Les dynamiques collectives obscurcissent le discernement et la capacité de saisir la différence entre le bien et le mal. Cela n’ouvre pas la possibilité de reconstruire les principes moraux universels. Pour ces raisons, le sentiment de culpabilité national américain produit des effets négatifs : il développe une sorte de racisme à rebours, qui sert assez efficacement à donner aux griefs très réels et aux émotions rationnelles de la population noire un exutoire vers l'irrationnel, une évasion de la réalité. . En d’autres termes, elle affirmait, comme elle l’avait fait dans Eichmann à Jérusalem : un rapport sur la banalité du mal, que la culpabilité collective tend à justifier ou à banaliser la réalité. Il ne s’agit pas de comprendre les vrais problèmes de la société. Les dynamiques collectives constituent une sorte de cercle vicieux qu’il convient de briser car imprégné de peur, de violence et d’ignorance. En fait, dans les dernières pages de De la violence, Arendt expose le fond du problème et nous donne un aperçu de la juxtaposition de la violence et de la colère, concluant que le moment où les engagés deviennent les enragés constitue une plainte devant l'incohérent. théories et idéologies qui considèrent le manque d’émotions comme un attribut de la rationalité.

Il est évident qu’Hannah Arendt était une penseuse qui ne se souciait pas de paraître piquante. Elle propose une vision révisionniste non seulement sur les questions liées à la violence, mais également sur les risques que représentent les idéologies comme obstacles à la libre pensée. Malgré leurs différences et le gouffre entre leurs adhérents, le tiers-mondisme, le nazisme, le maoïsme, le stalinisme, le KKK, le Black Power, le mouvement des indignados, les gilets jaunes, les lépénistes, les légistes, etc., partagent le fait qu'ils constituent une barrière pour le développement d’une pensée autonome. Leurs adeptes perdent leur capacité à rejeter leurs dogmes et à assumer leurs propres responsabilités en tant qu’individus. De plus, ils peuvent utiliser le bouclier protecteur de la dynamique collective pour justifier leur violence. Autrement dit, selon Hannah Arendt, la seule manière d'en finir avec le cercle dangereux et vicieux des idéologies est que chaque individu cesse d'être membre des masses et comprenne qu'« il/elle n'est pas Charlie ». Arrêter d’être la masse et commencer à être nous-mêmes est la seule façon d’en finir avec la banalisation de la réalité, avec l’abus de pouvoir, avec l’instrumentalisation de la violence et avec la manipulation des masses.



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